Si, sur le plan des inondations et des sécheresses, la situation se dégrade d’année en année, c’est que les actions entreprises sont à l’opposé de ce qu’il fallait faire : on a détruit quand il fallait construire !
En climatologie on part du principe que la végétation ne consomme pas d’eau, mais provoque les pluies : sans évapotranspiration (donc sans végétation) l’air humide en provenance de la mer ne condense pas et il ne pleut pas. 70% des précipitations proviennent de l’évapotranspiration et seulement 30% de l’évaporation en mer (source INRAE) : autrement dit il ne pleut pas sur des sols secs ! En ayant stigmatisé la consommation d’eau de la végétation, comme le fait l’actuel directeur de l’agence de l’eau Adour-Garonne en Nouvelle-Aquitaine, sans comprendre que c’était la base du cycle, on a créé des déserts ! La bonne santé hydrique d’un bassin versant se juge à sa densité végétale au rythme des saisons dictées par les forêts de feuillus donc avec la plus forte densité végétale possible l’été. Si la situation climatique se dégrade de plus en plus en France c’est justement parce qu’on nous a convaincus du contraire !
Pas d’eau = pas de végétation = désert !
À l’échelle du bassin versant, il faut donc que 70% des pluies soient réservées à la végétation, c’est le cas pour les forêts de feuillus qui retiennent 70% des pluies dans les sols (très riches en matière organique) pour alimenter le cycle. On peut facilement vérifier cette proportion en analysant le débit des rivières, si le bassin versant doit garder 70% des pluies, de façon mathématique la rivière ne doit pas en rejeter plus de 30% vers la mer ! Sur le site vigicrues.gouv.fr, on trouve quelques points de contrôle des débits, par exemple en Nouvelle-Aquitaine à Tonneins, sur la Garonne, ou le débit annuel dépasse les 50% des précipitations du bassin versant ou à Niort, sur la Sèvre niortaise, ou le débit annuel dépasse les 75% … Bien évidemment, comme les rivières sont le drainage naturel des bassins, si le drainage est trop rapide cela provoque des inondations l’hiver et mathématiquement des sécheresses l’été : Inondation c’est quand l’eau repart trop vite vers la mer, sécheresse c’est quand elle est repartie trop vite …
Si on reboisait entièrement les bassins versants, il faudrait attendre plus de 30 ans pour que les arbres remplissent pleinement leur rôle de rétention d’eau, l’urgence climatique nous impose des actions à court terme : conformément au code de l’environnement, les ruissellements de surface doivent être captés (réserves collinaires) pour éviter inondations et pollutions, une pluie même forte n’est pas un raz de marée, mais elle le devient automatiquement quand on ne régule pas les ruissellements en amont des bassins versants. Depuis plus de 30 ans les climatologues disent bien, qu’avec le dérèglement climatique, il n’y aura pas moins d’eau, mais une dégradation de la répartition annuelle des pluies, exactement le scénario qui s’installe durablement en France ou la menace vient de l’eau des terres et pas de la submersion des mers !
Le bon sens aurait voulu qu’on anticipe en construisant des retenues en amont des agglomérations pour maintenir un débit acceptable et plus régulier en aval tout au long de l’année, en détruisant les ouvrages sur les rivières on a amplifié un phénomène parfaitement prévisible !
Pendant des millénaires les humains ont construit pour retenir l’eau douce sur les continents, il aura fallu quelques années à l’administration pour détruire le réseau hydrologique français au nom d’une continuité écologique qui n’existe plus : les rivières sont ravagées par des crues de plus en plus fortes et les poissons migrateurs vont apprendre à marcher pour remonter les rivières sèches l’été… Une continuité écologique c’est d’abord un débit continu ! En s’attaquant aux inondations de façon cohérentes (retenir l’eau en amont des bassins versants) on ne parlera plus jamais de sécheresse !
Tous les ans les indemnités sécheresses et inondations nous coûtent des milliards (sans parler des vies humaines …) alors qu’avec quelques millions on résoudrait en même temps les deux problèmes. Sans oublier l’énergie propre que peut fournir une turbine associée à une retenue, en France nous avons largement de quoi doubler notre production hydroélectrique !
Contrairement aux idées reçues, l’irrigation n’assèche pas les nappes phréatiques puisqu’elle contribue à l’alimentation du cycle, c’est au contraire le manque de végétation en été (après les moissons) qui coupe le cycle de l’eau ! Les villes ont enfin compris l’intérêt de la végétalisation, mais il faut la généraliser partout en faisant des réserves d’eau l’hiver.
Pour reprendre l’exemple de la Nouvelle-Aquitaine, on y compte 781 200 hectares artificialisées (9.3% du territoire) avec une pluviométrie moyenne de 700 mm par an on obtient 5 milliards de m3 d’eau douce exploitable pour des usages non domestiques comme l’arrosage. 5 milliards de m3 c’est 3 fois la consommation TOTALE de toute la région (potable agricole et industrie) qui n’est que de 1,5 milliard, c’est 10 fois les prélèvements agricoles estivaux dans les nappes phréatiques (500 millions de m3), l’eau qui nous manque l’été est passée par chez nous l’hiver il suffisait de la retenir.
Laurent DENISE - Chercheur indépendant sur le lien climat, eau et biodiversité
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