Avec le coronavirus, la France regarde enfin ses vieux en face

Le Covid-19 rappelle funestement que notre société s’exonère trop du sort des plus âgés et qu'elle a davantage besoin d'eux qu'elle ne le pense.

Arrêtez de nous prendre pour des vieux. Le coronavirus semble s’en charger sans ménagement ni susceptibilité !

Le Covid-19 met en lumière, de manière soudaine et cruelle, la vulnérabilité du grand âge. Il révèle l’angle mort des politiques publiques pour répondre à l’un des défis du XXIème siècle, celui du vieillissement de la population. Pour preuve: en France, depuis 2017, point de Ministère ou de Secrétariat d’État qui soit consacré aux personnes dites âgées mais un Ministère “fourre-tout” des Solidarités.

Ce sujet s’accorde probablement peu avec le dessein d’un nouveau monde où la solidarité semble s’exprimer seulement en reconnaissance de la performance, ni avec le culte très partagé du jeunisme. Jusqu’à donner naissance à l’expression “ok boomer!”, raillerie liée à l’âge destinée à répliquer aux conseils avisés des boomers. Traduisons-la gentiment par “laisse tomber papi -voire mamie-, va jouer ailleurs, dans ton époque!”.

L’absence de moyens mis à disposition des établissements et de leur personnel fera inéluctablement partie du débat pour “le jour d’après”.

Certes il était plus facile de définir les périodes de vie après la deuxième guerre mondiale. L’âge de la retraite cousinait avec celui de l’espérance de vie –autour de 60 ans– la base statistique officielle de la vieillesse était alors toute trouvée pour déterminer cet âge de la bascule fatidique.

Plus tard, le vocabulaire “nouvelle vague” en a fait une appellation parentale affectueuse puis “vieux” est progressivement devenu péjoratif. Ainsi plus personne n’ose qualifier l’âge, même si senior semble tenir la corde, renvoyant au qualificatif d’expérience en entreprise.

Il est vrai que les avancées de la médecine ont tant fait progresser les limites de l’âge que les débats se concentrent désormais sur la dépendance. Conséquence directe du vieillissement, celleci devient une préoccupation majeure qui justifie un glissement de vocabulaire et une synonymie entre vieillissement et dépendance.

Pourtant entre 60 ans –première qualification statistique de l’âge dit avancé– et 80 ans –porte d’entrée vers le grand âge– une génération intermédiaire est née, engagée, solidaire, économiquement active, très féminine.

Elle peut être aussi considérée comme une “génération sandwich” tant elle fait le lien entre les toutes les générations: ses propres parents très âgés, ses enfants et voire surtout ses petitsenfants…

Tous peuvent, dans de nombreuses situations de leur vie quotidienne, solliciter le soutien financier ou matériel de cette nouvelle génération. Participation à l’achat d’un logement ou à la garde des petits-enfants pour les uns, participation aux frais en EHPAD pour les autres…

Si discrimination il y avait en fonction de l'âge lors du déconfinement, combien d’élus locaux, de parlementaires, de ministres rescapés, combien de responsables associatifs, facilitateurs des fonctionnements sociaux, seraient soumis à l’obligation de leur date de naissance ?

En vérité, au-delà de la seule sécurité sanitaire, se pose la question du fonctionnement de la société. Combien d’élus locaux, de parlementaires, voire quelques ministres rescapés, combien de responsables sportifs, associatifs et bénévoles, qui sont les facilitateurs des fonctionnements sociaux, seraient soumis à l’obligation de leur date de naissance ?

Oui le Covid-19 est une saloperie inédite, détestée et stressante.

Elle a ouvert la boîte de Pandore des anciennes rengaines sur l’air de “je vous l’avais bien dit” ou “si on n’avait pas agi ainsi”, qui sont des tentatives pour remettre opportunément en selle des solutions comme autant de vieilles antiennes.

Soyons humbles et modestes. Nous ne savons pas encore ou nous savons si peu. Cependant nous observons le mouvement de fond qui plébiscite la proximité. Il s’accompagne d’initiatives engagées et solidaires qui irriguent les campagnes et les villes comme un palliatif des si nombreuse carences notées par tous.

Les plus de 65 ans y prennent toute leur part.

Ainsi le Président de la République a révisé sa position quant au confinement prolongé des aînés, appelant à la responsabilité de chacun. Dont acte. Depuis ces annonces, j’entends les analyses péremptoires du “tout ne sera plus jamais comme avant” comme un serment pour repenser notre société et recréer des solidarités.

Je ne sais pas ce que sera, ni quand sera cet après autant espéré que redouté. Mais assurément l’âge ne doit pas être un obstacle: il doit être un appui à la reconstruction nationale.

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